Le Jeune Imam
Le jeune imam est un film dramatique français sorti en 2023 et inspiré de faits réels.
Co-écrit par Ladj Ly qui avait réalisé le film « les misérables » en 2019, le jeune imam raconte l’histoire d’Ali, un enfant de 14 ans d’origine malienne qui vit dans la banlieue parisienne, en Seine-Saint-Denis, à Montfermeil notamment.
À la suite d’un menu larcin, Ali est envoyé par sa mère au Mali, dans le village natal de celle-ci, où il restera une dizaine d’années. Là-bas, il apprendra la lecture du Coran sans n’avoir jamais la possibilité d’étudier autre chose. À l’âge de 24 ans, il revient en France chez sa mère, et après s’être cherché professionnellement, il se voit proposer le poste d’imam dans la mosquée de son quartier.
Jeune, éloquent dans sa récitation du Coran, s’il ne fait pas l’unanimité parmi les plus âgés, ses prêches et ses interventions auprès des jeunes, son discours ouvert et tolérant, plait à beaucoup. Grâce aux réseaux sociaux, il réussit rapidement à devenir influent dans le cercle des jeunes musulmans pratiquants, adeptes de ce mode de communication. Ali a le vent en poupe, il se sent pousser des ailes, sans se rendre compte que ses ambitions l’écartent de sa fonction.
Il décide d’organiser un voyage en Arabie saoudite, une Umrah, pour les fidèles de sa mosquée, avec l’aide de deux jeunes hommes qui gagnent sa confiance alors qu’ils ne font pas partie de son quartier, et qui proposent de lui fournir les visas nécessaires. La Umrah est un succès, et Ali, encouragé, multiplie les conférences, les conseils aux uns et aux autres, se perdant un peu dans la profondeur de ses analyses et de ses interprétations. Il se lance enfin dans l’organisation du pèlerinage en terre sainte, auquel de nombreux voisins rêvent de participer depuis de longues années.
L’ambition d’Ali, la tentation qu’il a toujours pour l’argent, sa propension à vouloir être reconnu socialement, à rendre fière sa mère dont l’abandon l’a marqué, l’amèneront à s’engager plus qu’il n’en a la capacité, provoquant ainsi un retournement de situation.
Dans « le jeune imam », plusieurs thèmes sont évoqués.
Le premier est celui de la double culture, l’éducation, la place de l’enfant dans sa famille, dans son pays de naissance, puis dans son pays d’origine.
Ali, ne comprend pas pourquoi sa mère l’abandonne, et il se sent désemparé lorsqu’il est écarté de sa famille en France. Il se retrouve dans un village malien qu’il ne connait pas, dont il ne connait pas les codes, et ne veut ni ne parvient à s’y intégrer. De retour en France à l’âge adulte, sa relation avec sa mère est pleine de non-dits. Entre la mère et le fils, planent rancoeur, honte, impuissance, sans qu’aucun des eux ne réussisse à exprimer ses sentiments. Seule la mise en danger d’Ali poussera l’un comme l’autre à crier sa peine, sa douleur, son amour.
L’autre thème qui est abordé est celui du développement de la religion à travers le prisme des réseaux sociaux.
Ali s’engouffre dans ce nouveau mode de communication et y trouve le bonheur de devenir influent, aimé, apprécié. Son objectif devient, dès lors, d’avoir un nombre croissant de fidèles dans sa mosquée, à ses prêches, tout cela révélant finalement des blessures profondes liées à sa fragilité affective. Il en oublie rapidement sa véritable mission, celle de transmettre le message divin, pris au jeu de l’engouement qu’il provoque au sein de sa communauté, prisonnier de son ego.
Dans ce film s’opposent deux sociétés, deux mondes : la France, terre moderne et pourtant plein de clivages au vu de sa société multiculturelle, et l’Afrique ; pays en voie de développement qui apportera tout de même à Ali une particularité qu’il exploitera à son retour en France.
La place de la religion et son développement via les réseaux sociaux, l’engouement fulgurant chez les « followers » d’Ali, sont mis en opposition avec la façon qu’avaient les « anciens » de pratiquer. La méfiance de ces derniers à l’égard du jeune imam est proportionnelle à son succès auprès des plus jeunes.
Dans « le jeune imam », la fin est laissée à l’entière interprétation du spectateur.
Un film moderne, témoin d’un phénomène de notre société occidentale.
Sam Kamat.