This is France đ«đ·
Part 1
Zeyna franchit le seuil de lâĂ©cole en essuyant subrepticement une larme qui coule sur sa joue malgrĂ© elle. Elle a fait tout son possible pour les retenir ces larmes de rage, ces larmes dâimpuissance. Mais lĂ , seule, elle ne les retient plus.
Elle avance Ă pas rapide dans la rue, cherchant Ă mettre le plus de distance possible entre elle et lâĂ©tablissement dans lequel elle Ă©tait pourtant si heureuse de venir Ă©tudier depuis deux ans. Elle file comme le vent vers le train qui la ramĂšnera dans le cocon protecteur de sa maison, de son foyer, dans la chaleur des gens qui lâaiment.
Elle est encore sous le choc de la scĂšne dont elle a Ă©tĂ© la principale protagoniste. Elle sâen serait bien passĂ©e, discrĂšte comme elle est dâordinaire. Zeyna est une Ă©lĂšve studieuse, appliquĂ©e, câest une bosseuse comme la dĂ©crivent ses camarades.
Ce matin, Zeyna a dĂ©cidĂ© de porter une de ses robes un peu trop longues, un peu trop floues quâelle ne met dâordinaire quâĂ la maison. Elle ne saurait expliquer pourquoi ce matin en particulier elle a voulu porter ce que dâhabitude elle rĂ©serve pour la maison. Elle sait pourtant que certaines de ses amies ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© reprises par le proviseur du lycĂ©e. Elle sait que ce vĂȘtement est maintenant considĂ©rĂ© comme une provocation par de hauts dignitaires du systĂšme, comme un dĂ©tournement dâun signe ostentatoire. Câest absurde mais câest ainsi : la longueur de lâourlet est Ă prĂ©sent politisĂ©. Elle le sait mais elle a dĂ©cidĂ© quâelle irait au lycĂ©e ainsi. Avec un sweat ample par dessus et ses Ă©ternelles baskets blanches, elle se sentait bien.
Mais voilĂ que le systĂšme la rattrapĂ©e. Ce systĂšme injuste et pernicieux, ce systĂšme qui veut imposer une pensĂ©e unique, une pratique cadrĂ©e, un code vestimentaire lĂ©gitimĂ© par un pouvoir toujours soucieux de dĂ©tourner les gens des vĂ©ritables problĂšmes. Un systĂšme qui aime avoir des boucs Ă©missaires. Un systĂšme qui nâaime pas les pratiquants. Un systĂšme qui aimerait imposer lâathĂ©isme comme religion dâĂ©tat. Mais le pays est laĂŻcâŠ.
Ce nâest pas tant la discussion quâelle a eue avec le proviseur qui lâa secouĂ©e. Câest juste ce doigt que la surveillante a pontĂ© sur elle, la dĂ©signant de haut en bas  comme si elle nâĂ©tait quâune vulgaire marchandise.
Câest aussi la supposition de son appartenance Ă une religion (honnie par le pouvoir), et le dĂ©lit de faciĂšs qui en a dĂ©coulĂ© qui lâa choquĂ©e.
Et câest surtout lâinjustice de la situation qui lui a ĂŽtĂ© toute vellĂ©itĂ© de rĂ©ponse. Elle nâa pourtant pas la langue dans sa poche dâordinaire.
Elle sâinstalle dans le train en soupirant. Hors de question de retourner en cours cet aprĂšs midi. Quant Ă demain, elle sait quâun nouveau combat lâattend. Un combat qui ira au delĂ de ses annĂ©es lycĂ©e. Elle sera avocate. Câest dĂ©cidĂ©. Elle refuse et rejette lâinjustice sous toutes ses formes et en fera son combat, celui de toute une vie, celui quâelle portera en son nom et au nom de toutes les personnes mal traitĂ©es.
France - XXI siecle
Sam Kamat